
La pollution atmosphérique : des impacts sanitaires et financiers lourds…
D’après les enquêtes d’opinion, la qualité de l’air ambiant constitue l’une des préoccupations majeures de la population en matière d’environnement et de santé en France. A l’origine de maladies cardio-vasculaires (accident vasculaire cérébral, infarctus du myocarde…) et respiratoires (bronchite chronique, asthme, cancer du poumon…), la pollution de l’air est un facteur de réduction de l’espérance de vie des populations. Le programme CAFE (Clean Air For Europe) de la Commission européenne a estimé qu’en France, en 2000, 42 000 décès étaient en relation avec l’exposition chronique aux particules fines. A titre indicatif, la mortalité routière s’élève à près de 3 400 personnes en France en 2014.
Les populations les plus touchées sont celles exposées à une mauvaise qualité de l’air à leur domicile, au travail ou lors de leurs déplacements. Les grandes agglomérations urbaines, en particulier les centres-villes et les grands axes routiers, sont les plus impactés.
L’impact sanitaire de la pollution atmosphérique dans la région grenobloise a été spécifiquement évalué en 2006 par la cellule interrégionale d’épidémiologie. La pollution de l’air serait responsable de 155 décès par an, auxquels il faut ajouter les impacts à court terme lors des pics, estimés en moyenne à :
- 67 décès anticipés ;
- 18 hospitalisations pour motif respiratoire ;
- 105 admissions hospitalières pour motif cardio-vasculaire en hiver et 58 en été.
Ces impacts sanitaires génèrent des coûts estimés à environ 68 à 97 milliards d’euros par an pour la France (à quoi il faut ajouter le coût non sanitaire, principalement la baisse des rendements et la dégradation des bâtiments, estimé à plus de 4 milliards d’euros).
… et un risque de condamnation financière
En application de la directive 2008/50/CE, les seuils réglementaires relatifs à la qualité de l’air doivent être respectés en tout point du territoire. Du fait des valeurs mesurées aux stations trafics du « Rondeau » et de « Grenoble Boulevard » et plus généralement de la pollution le long des axes routiers, l’agglomération grenobloise fait partie des territoires français concernés par les contentieux européens relatifs à la pollution de l’air par les particules, mais également le dioxyde d’azote (NO2, en région grenobloise, dépassements en bordure des grands axes de circulation routière).
La France pourrait être condamnée par la Cour de Justice de l’Union Européenne pour les dépassements en matière de particules fines. En application de la loi NOTRe, les pénalités correspondantes pourraient être mises partiellement à la charge des collectivités locales.
Pour notre collectivité, au-delà de l’ambition de ramener les niveaux de pollution en-dessous des valeurs limite européennes pour éviter cette condamnation, dans un souci de santé publique, il s’agit à terme de respecter les préconisations de l’OMS, plus exigeantes en matière de valeurs seuils pour les particules fines (moyenne annuelle OMS de 20 µg/m3 contre une valeur limite européenne fixée à 40 µg/m3 pour les PM10, et de 10 contre 20 µg/m3 pour les PM2,5).
Les outils pour agir
En matière de pollution de l’air, il n’y a pas d’effet de seuil sur la santé : si la nocivité augmente avec les concentrations de polluants, il reste toujours des effets même à faible dose. D’où la nécessité de porter des actions de fond pour diminuer les émissions de polluants et l’exposition de la population, parallèlement aux mesures d’urgence lors des pics de pollution, pour protéger la population, en particulier les personnes les plus vulnérables.
Dans cet objectif, l’Etat français a adopté des outils de planification : les plans de protection de l’atmosphère (PPA). Dans la région urbaine grenobloise, le plan révisé, approuvé le 25 février 2014, comprend 21 actions permanentes et 1 action en cas de pic de pollution. Ces actions s’appuient sur plusieurs leviers (réglementaire avec prise d’un arrêté, incitation financière et communication), et acteurs (Etat, collectivités…).
La gestion des pics de pollution a fait l’objet d’une harmonisation au niveau national (arrêté relatif aux déclenchements des procédures préfectorales en cas d’épisodes de pollution de l’air ambiant du 26 mars 2014). Cet arrêté a donné lieu à la publication d’un nouvel arrêté inter-préfectoral (AIP) le 1er décembre 2014 pour les départements de la région Rhône-Alpes. Cet AIP s’applique à tous les secteurs émetteurs de polluants atmosphériques, à savoir les transports, le résidentiel (chauffage au bois…), l’industrie et l’agriculture.
L’article 11.2.2 de l’AIP permet de mettre en œuvre des « mesures tarifaires incitatives pour le stationnement, à l’initiative et sur décision des maires et des gestionnaires des parcs de stationnement : mesures de nature à inciter les résidents à ne pas utiliser leur véhicule (gratuité du stationnement résidentiel sur voirie, […]), mesures de nature à dissuader les non- résidents de stationner (modulation de tarif, voire interdiction de stationner sur voirie et fermeture des parcs de stationnement pour les non-abonnés) […] »
Enfin, l’action 22 du PPA, relative aux mesures en cas de pics de pollution, prévoit d’étendre et de renforcer les actions prises dans cet AIP.
Par ailleurs, l’arrêté ministériel du 3 mai 2012 établit la nomenclature des véhicules classés en groupe d’étoiles (*) en fonction de leur niveau d’émission de polluants atmosphériques. Le 2 juin 2015, la Ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie a annoncé la mise en place de certificats de qualité de l’air (« CQA », sous forme de vignettes de couleur nommées Crit’Air) pour les véhicules dits « particuliers », sur la base de leur motorisation (électrique, essence ou diesel) et de leur ancienneté. Cet outil d’identification des véhicules, défini sur la base de l’arrêté ministériel du 3 mai 2012, offre par exemple la possibilité aux collectivités de n’autoriser l’accès à certains secteurs urbains qu’aux véhicules les moins polluants de façon pérenne ou en cas d’épisode de pollution. A terme, tous les véhicules y compris les poids lourds pourront être identifiés.
Une expérimentation sur le bassin grenoblois : mise en place d’un protocole d’accord multi-partenarial visant en priorité les transports lors des pics de pollution de l’air
Comme évoqué ci-dessus, les populations vivant, se déplaçant ou travaillant le long des grands axes routiers sont les plus exposées à la pollution atmosphérique. De plus, le bassin d’air grenoblois risque une condamnation du fait du dépassement des seuils réglementaires le long de ces axes. De manière à limiter l’exposition de la population et à échapper à la condamnation européenne, l’enjeu est donc de réduire les pollutions concentrées le long des axes routiers ; d’où la nécessité de diminuer les émissions liées aux déplacements, notamment lors des pics de pollution, en cohérence avec les actions de fond menées sur le chauffage au bois non performant, ainsi que les mesures visant les secteurs résidentiels, industriels et agricoles déclenchées lors des pics de pollution dans le cadre de l’AIP.
Sous l’impulsion de la Métropole, du SMTC et de la Ville de Grenoble, et en lien étroit avec la Préfecture de l’Isère en assurant le co-pilotage, des groupes de travail se sont tenus depuis juin 2015 afin d’élaborer des propositions d’actions visant les transports, pour faire baisser les émissions de polluants en cas de pics de pollution. Ces groupes réunissaient l’ensemble des signataires du protocole, à savoir l’Etat (Préfecture, DDT, DREAL Agence Régionale de la Santé), la Région-Rhône Alpes, le Département de l’Isère, Grenoble Alpes Métropole, la Communauté de communes du Grésivaudan, la Communauté d’agglomération du Pays Voironnais, le SMTC, la Ville de Grenoble, les chambres consulaires (Chambre de Commerce et de l’Industrie, Chambre des Métiers et de l’Artisanat), l’Académie de l’Isère, les gestionnaires des réseaux routiers (Direction Interdépartementale des Routes et AREA), les médias locaux (Le Dauphiné Libéré, Télégrenoble, France 3, Radio France Bleu), et l’Association Air Rhône-Alpes.
Il est proposé la signature d’un protocole expérimental d’une année décrivant un ensemble d’actions principalement dédiées aux transports routiers, visant à réduire l’intensité et la durée des épisodes pollués affectant la région grenobloise et ainsi à agir en faveur du respect des seuils réglementaires et in fine de la santé publique. Ce dispositif local vient compléter et renforcer les dispositions encadrées par l’AIP de gestion des épisodes de pollution de l’air ambiant adopté en 2014 et qui vise l’ensemble des secteurs (résidentiel, industrie, agriculture…). Le protocole cible avant tout les particules en suspension PM10, l’ozone et le dioxyde d’azote. Les signataires de ce protocole s’engagent à mettre en œuvre ce dispositif multi-parental selon les modalités qui sont décrites.
Propositions d’actions
Durant les épisodes de pollution, les principaux leviers mobilisables ponctuellement par les signataires sont l’amélioration de l’information et la réduction des émissions liées aux transports. Ces actions ponctuelles font l’objet du présent protocole, les actions de fond étant menées dans d’autres plans comme le PPA ou les plans climat territoriaux.
Le dispositif constitue une expérimentation qui fera l’objet d’une évaluation au bout d’une année, à l’issue de laquelle le dispositif sera reconduit ou modifié par accord écrit.
Plusieurs périmètres d’application ont été délimités à l’échelle du territoire des 3 établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) partenaires du protocole, à savoir Grenoble Alpes Métropole, Pays Voironnais et Pays du Grésivaudan. Ceci permet d’adapter les mesures en fonction des enjeux territoriaux, tout en prévoyant de sensibiliser et d’accompagner les populations limitrophes se rendant dans les périmètres soumis aux modérations de circulation.
Les partenaires proposent de mettre en œuvre un dispositif expérimental qui vise ainsi :
- à mieux informer et sensibiliser la population sur les causes et enjeux sanitaires de la pollution tout au long de l’année,
- en matière de déplacements, pendant les pics de pollution : à restreindre les émissions des véhicules les plus polluants, à offrir des solutions alternatives à la voiture individuelle (transports en commun, vélo, co-voiturage) et à promouvoir une adaptation de l’organisation du travail (télétravail, horaires décalés) et les plans de déplacements d’entreprises et d’administration…
Un indicateur créé par Air Rhône-Alpes, gradué sur une échelle de 1 à 10, sera diffusé quotidiennement, afin de décrire la qualité de l’air du bassin grenoblois pour 3 échéances (la veille, le jour même et le lendemain). En outre, une sensibilisation de fond sur le chauffage au bois et les déplacements principalement, coordonnée sur le territoire des trois EPCI (Grenoble Alpes Métropole, Pays Voironnais, Pays du Grésivaudan) sera diffusée vers des cibles variées, de manière à agir sur la pollution de fond.
Les principales mesures du dispositif proposées sont graduées en fonction du niveau de la pollution et de sa persistance. Lors des pics de pollution, les mesures suivantes seront mises en place progressivement, soit du fait d’une persistance de la pollution de l’air (situation la plus courante sur le bassin grenoblois), soit parce que la concentration de polluant augmente :
- Information lors du pic de pollution, avec l’introduction d’un niveau de pré- information incitant à des premières modifications de comportements,
- Modération de la circulation de deux types : limitation de la vitesse maximale autorisée (- 20km/h sur toutes les voies où la vitesse maximale est supérieure à 70 km/h ; 70 km/h sur voies rapides urbaines, A51, A480 et A48 entre péages de Vif et Voreppe, et sur A41 entre Carronnerie et péage de Crolles) et autorisation de circuler pour les véhicules les moins polluants (périmètre : Métropole + A48 jusqu’au péage de Voreppe + A41 jusqu’au péage de Crolles,
- Incitations tarifaires allant jusqu’à la gratuité, pour les transports en commun dont le TER, les Métrovélos, les parcs-relais,
- Promotion du télé-travail, des horaires décalés, des plans de déplacements d’entreprises incluant un volet « covoiturage » et plans de déplacements d’administrations,
- Actions d’exemplarité des collectivités et de l’Etat pour réduire leurs émissions, notamment lors des pics, mais aussi de façon pérenne (ex : flotte des véhicules des collectivités).
Les autorisations de circulation pour les véhicules les moins polluants sont déclenchées en deux temps (tableau en II.c dans le protocole annexé). Elles visent les véhicules particuliers munis de certificats qualité de l’air, ainsi que les véhicules utilitaires légers (VUL) et les poids-lourds (PL) sur la base du classement de l’arrêté ministériel du 3 mai 2012.
L’ensemble des mesures est détaillé. Sur la base des données 2011-2013, les autorisations de circulation accompagnées des mesures tarifaires auraient été déclenchées 12 jours par an en moyenne :
- Au bout de 5 jours de persistance de pollution (5 jours/an en moyenne 3) : Autorisation des véhicules particuliers équipés de certificats qualité de l‘air 1 à 54, VUL disposant des mêmes critères et PL des groupes 2 à 5* (immatriculés à partir du 1er octobre 2001), Ticket de transport à la journée sur les réseaux TAG, TER, Voironnais, Grésivaudan,
- Au bout de 7 jours de persistance de pollution (7 jours/an en moyenne) : Autorisation des véhicules équipés de certificats qualité de l‘air 1 à 35, VUL disposant des mêmes critères et PL des groupes 2 à 5* (immatriculés à partir du 1er octobre 2001), Gratuité des transports TAG, TER, Voironnais, Grésivaudan, des parkings relais et des métro-vélos.
Le protocole sera mis en application à partir du 1er janvier 2016, soit après la diffusion des certificats de qualité de l’air par les services de l’Etat.
La Ville de Grenoble n’exclut pas d’adopter une modification de la tarification du stationnement lors des pics de pollution. Deux mesures indissociables pourraient être déclenchées en même temps que la gratuité des transports en commun : gratuité de stationnement pour les résidents (mise à disposition des macarons), et double-tarif pour les visiteurs s’acquittant d’un paiement à l’horodateur. Cette mesure pourra être intégrée ultérieurement dans le protocole d’accord, par le biais d’un avenant, après poursuite des discussions sur ce sujet avec les partenaires.
Dans un premier temps, il est proposé que la Ville de Grenoble s’engage à appliquer le protocole sur les volets suivants :
- Information sur le dispositif général, sensibilisation du public sur la qualité de l’air,
- lors des pics de pollution, information/communication claire auprès des destinataires
- que doit informer le maire d’après la réglementation (population, crèches, haltes-garderies publiques et privées, écoles primaires et maternelles publiques et privées, centres aérés, centres de loisirs ou de vacances recevant des enfants),
- information et formation du personnel accueillant les publics sensibles,
- Exemplarité : lors des modérations de circulation : un effort supplémentaire pour limiter l’utilisation des véhicules techniques et de service autorisés à circuler ; possibilité d’horaires décalés pour le personnel. Et de manière générale : renouvellement de la flotte de véhicules, promotion du plan de déplacement d’administration ainsi que du télétravail,
- Participation à l’évaluation du dispositif.