
En juin dernier, alors que la cuvette grenobloise affrontait déjà son premier épisode caniculaire de 2017, 16 jeunes Grenoblois (10 filles et 6 garçons) de la MJC Allobroges et du collège Stendhal s’évadaient à plus de 4000 mètres sur les voies italiennes du Grand Paradis dans le cadre de « Jeunes en Montagne ». Retour avec Pierre Mériaux, conseiller délégué au Tourisme et à la Montagne, qui les a accompagnés, sur ce programme qui permet chaque année à plus de 300 jeunes d’aller arpenter les cimes alpines.
Qu’est-ce que le programme Jeunes en Montagne ?
Pierre Mériaux : « C’est un programme unique en France qui existe depuis 2003, construit sur une idée de Sadok Bouzaiene (actuel adjoint aux Sports). Trop de jeunes grenoblois voient les montagnes de leur fenêtre mais n’y vont pas car ce n’est pas dans leur culture, celle de leur famille, de leur milieu social… C’est pour ces jeunes que la Mission Montagne de la Ville, en lien avec le Club Alpin Français et des MJC ou des collèges, lycées, organise chaque année parcours sur 6 sorties pour faire découvrir et apprécier notre cadre naturel extraordinaire. Et c’est gratuit pour les jeunes, avec un encadrement de professionnels de la montagne garantissant leur sécurité. Bref nous levons toutes les barrières socio-culturelles, financières, logistiques (en fournissant tout le matériel nécessaire) pour permettre l’accès de tous à la montagne. »
Quel est le regard porté par les jeunes sur la montagne lors de ces sorties ?
PM : « J’ai participé en juin dernier à la sortie au Grand Paradis pour voir concrètement l’organisation, l’ambiance et discuter avec les jeunes et les encadrants, ce qui était très intéressant. Les jeunes sont épanouis, fiers de leur progression en autonomie et en maitrise d’un environnement dont ils ont appris les règles spécifiques, à doser leur effort. Même si tous n’arrivent pas forcément à faire le sommet ils participent tous à un moment unique, dont ils garderont le souvenir longtemps. Et leur envie d’y retourner, avec leurs proches ou dans un des nombreux clubs de montagne à Grenoble, est nette. Les encadrants (éducateurs ou guides de montagne) témoignent aussi de la très forte valeur socio-éducative de la montagne (solidarité, effort, discipline…) pour les jeunes, à une période clé ou ils ont parfois du mal à gérer leur personnalité. »
Le programme Jeunes en Montagne sur les voies du Grand Paradis en juin 2017
Comment le programme Jeunes en Montagne a-t-il évolué ces dernières années ?
PM : « Ce programme déclinait doucement. Même dans une ville entourée de montagnes, c’est logique car notre société propose un zapping permanent de nouveautés et un modèle de loisirs, y compris en montagne, basée sur la marchandisation d’activités ludiques sans trop d’efforts. Et la peur des risques propres à la montagne et au milieu naturel a tendance à croitre démesurément. Donc nous avons fait un travail de fond avec tous nos partenaires pour (re)former des encadrants des MJC et relancer une dynamique, ce qui a permis d’inverser la courbe, avec plus de 330 jeunes emmenés en haute montagne cette année, plus de 1000 en moyenne montagne. »
Quels objectifs pour les années à venir ?
PM : « Etendre le bénéfice de « jeunes en Montagne » à tous les quartiers de la ville, en priorité via le réseau des MJC. Pour cela les MJC ont désormais toutes un objectif d’activités « montagne » dans leur convention signée avec la Ville. Le choix du type d’activité (randonnée à pied, raquettes, ski de randonnée, escalade, cascade de glace…) est libre car nous nous adaptons aux publics. Mais d’ici 2020 chaque jeune, quel que soit son quartier de résidence ou son milieu social, doit pouvoir accéder, gratuitement et en sécurité, à la découverte de notre milieu montagnard. Pour assurer ce développement, coûteux, nous avons rendu payantes les Rencontres du Cinéma de Montagne. Et cela est bien accepté par les fans de montagne qui montrent là leur solidarité. »
Quelle est plus globalement l’action de la Ville de Grenoble en faveur de la montagne ?
PM : « La ville de Grenoble assume désormais son identité montagnarde, qui avait un peu disparu derrière l’image de la cité high-tech, innovante… Paradoxe curieux puisque beaucoup d’étudiants ou chercheurs de la cuvette viennent vivre et travailler ici attirés par nos montagnes ! Mais plutôt que la « capitale des Alpes » nous préférons l’image de « Grenoble au Cœur des Alpes », qui illustre mieux notre volonté de liens renforcés, plus équitables, avec des territoires de montagne dont nous sommes aussi dépendants, par exemple pour atteindre nos objectifs de production d’énergies renouvelables ou pour nos loisirs.
Nous développons la culture montagne par tous les moyens, en rénovant le belvédère Vauban à la Bastille, en déplaçant les Rencontres du Cinéma de Montagne en centre-ville (au Palais des Sports), en multipliant les conférences-débats, les liens avec le milieu universitaire qui nous alerte sur l’impact fort du réchauffement climatique en montagne.
Et si notre projet « la montagne pour tous » se décline en priorité vers la jeunesse, en maintenant le ski scolaire (2500 enfants par an) et en développant « jeunes en montagne », nous n’oublions pas les familles ou habitants, personnes âgées… qui peuvent participer aux sorties liées à la Fête de la Montagne via les MDH. Tout en accueillant les alpinistes de haut niveau (« les Piolets d’or ») quand ils décident de céder à l’attractivité de Grenoble. »
Le programme Jeunes en Montagne sur les voies du Grand Paradis en juin 2017