Annulation de la votation d’initiative citoyenne par le tribunal administratif : continuer d’innover pour faire émerger les formes nouvelles de la démocratie
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En février 2016, Grenoble innovait avec la mise en place d’un dispositif d’interpellation et de votation citoyenne. Un dispositif inspiré d’expériences à l’étranger qui constituait alors une première en France : il permettait à 2 000 pétitionnaires (de +16 ans et sans condition de nationalité) de porter une proposition en Conseil municipal, puis, si cette proposition n’était pas adoptée par les élu·es, de la soumettre à la votation citoyenne. Pascal Clouaire, adjoint à la Démocratie locale, revient sur l’annulation du dispositif décidée par le tribunal administratif de Grenoble ce jeudi 24 mai 2018.

Q : Quelle réaction suite à la décision prise par le tribunal administratif de Grenoble d’annuler le dispositif d’interpellation et de votation citoyenne qu’a mis en place la municipalité en 2016 ?

Pascal Clouaire : Bien que le juge ait reconnu le caractère « original » du dispositif grenoblois,  il a conclu à son annulation. L’ensemble de notre majorité regrette aujourd’hui ce choix car nous nous sommes engagé·es dans la vie publique pour transformer la relation entre les citoyen·es et leurs représentant·es. C’est une nécessité pour faire face à la défiance, à l’indifférence et à la montée des populismes que nous connaissons aujourd’hui. C’est pourquoi il est urgent de faire émerger de nouvelles formes de démocratie, par l’innovation et l’expérimentation. Ce refus d’innover est en contradiction avec les annonces du Gouvernement sur sa volonté de donner la parole aux territoires et du Président de la République qui proclamait, lors de la dernière assemblée des Régions de France, que l’expérimentation locale était désormais l’une des pierres angulaires de l’action publique. Nous ferons bien entendu appel de cette décision. Et il nous faudra certainement aller encore plus loin, en portant le débat au niveau national, pour obtenir un changement du cadre législatif qui accompagne les expérimentations visant à donner plus de pouvoir aux citoyen·nes.

Q : Une autre nouveauté apportée par ce dispositif concernait son ouverture à tou·tes les Grenoblois·es de plus de 16 ans, et sans distinction de nationalité…

PC : Effectivement ! Outre l’interpellation des élu·es et la votation, ce dispositif, comme tous les dispositifs que nous avons créés, élargissait la citoyenneté en donnant la parole aux habitant·es de plus de 16 ans ainsi qu’aux habitant·es étranger·ères. Il permettait ainsi aux jeunes de se « former » à la démocratie, et aux résident·es étranger·ères de participer à la vie de leur ville. Ils y ont toute leur place, puisqu’eux·elles aussi participent au financement des politiques publiques à travers l’impôt local.

Q : Que va faire la Ville de Grenoble maintenant ? Est-ce la fin des interpellations en Conseil municipal et des votations ?

PC : Le jugement du Tribunal administratif est applicable de suite donc  nous ne pouvons plus, en attendant le résultat de l’appel ou un changement de loi, faire de votation citoyenne tel que le dispositif le prévoyait. Mais les citoyen.nes conservent la possibilité d’interpeller le Conseil municipal via la possibilité offerte aux conseils citoyens indépendants de poser au maire une question orale, possibilité qui est régulièrement utilisée. »

Q : Quid des pétitions en cours ?

PC : Une pétition a recueilli, dans les dernières semaines 2 000 signatures. A travers cette pétition, les Grenoblois·es ont manifesté leur intérêt pour une thématique. Sous réserve de la validation de ces signatures, elle verra  son sujet porté devant le Conseil municipal.

Q : Cette décision marque-t-elle un coup d’arrêt pour la démocratie locale « made in Grenoble » et ses innovations ?

PC : Non, car comme dit précédemment, nous n’abandonnons pas l’idée de la votation citoyenne et allons continuer à nous battre pour que les choses bougent. Mais il faut se rappeler que la démocratie locale « made in Grenoble » ne s’arrête pas à ce dispositif ! La démocratie locale « made in Grenoble », c’est aussi les Conseils Citoyens Indépendants, en cours d’évolution après 3 années d’existence et d’expérimentation. C’est également depuis 2014 la multitude d’initiatives de concertation, de co-construction et bientôt de co-réalisation de l’espace public, et ce dans tous les quartiers de la Ville. C’est encore le Budget participatif, qui attire chaque année de plus en plus de Grenoblois·es. Et enfin, ce sont les Ateliers de projet que nous avons mis en place lors du conseil municipal de mars 2018, et qui permettront prochainement à des assemblées d’une trentaine d’habitant·es d’orienter les décisions municipales. Ces véritables « jury citoyens » sont une nouvelle avancée, une nouvelle innovation, qui démontre la force d’expérimentation de Grenoble en termes de démocratie locale et de pouvoir donné aux habitant·es.